The Last of Us

The Last of Us
par LupusVII

C'est mon premier véritable article d'analyse sur le média vidéoludique. J'espère arriver à retranscrire correctement mes différents points et à rester clair tout au long de cette réflexion. Peut-être qu'un jour, je rendrais fier mon prof de philo.

The Last of Us... En 2013, il s'est pris dans la tronche un mur d'éloges et de récompenses digne des plus grandes créations. 95/100 sur MetaCritic, des notes rarement sous les 18/20. A croire que c'est un jeu parfait, qui agglomère tout ce qui s'est fait de mieux à cette époque.

Entre son scénario original, ses personnages attachants, son gameplay équilibré et son ambiance hors-normes, il a tout pour être un classique du jeu vidéo. Nous sommes en 2021, sa seconde partie est sortie il y a quelques temps, c'est l'occasion de se poser la question : est-ce que The Last of Us était si bien que ça ?

Avant de démarrer cet article, quelques points importants :

  1. Je vais salement spoiler le scénario. Le jeu est sorti en 2013, j'ai droit. Par contre, on ne spoilera pas la suite.
  2. On ne parle que de la version PS3 sortie en 2013. A la limite, il y aura un encart pour évoquer les différences avec le remaster sur PS4 mais mon analyse se cantonne à la version PS3.
  3. Je suis une quiche pour viser avec des joysticks et j'ai conscience de mes limitations physiques et mentales quand j'ai une manette entre les mains. Donc quand je critique une mécanique, c'est après m'être assuré que ce n'est pas lié à mes capacités de bulot.
  4. Certains screenshots vont être tirés de la version PS4. C'est pas évident de trouver une image pour illustrer un propos et il n'y a pas beaucoup de "belles" illustrations provenant de la PS3. Donc photos non-contractuelles de la version PS3 :D

Un peu de contexte...

Quand on parle d'un "vieux" truc, il est toujours important de rappeler le contexte de l'époque. Il ne nous viendrait pas à l'idée de critiquer les graphismes d'un jeu de NES et de les comparer à Crysis.

The Last of Us est un projet développé par Naughty Dog. Son développement débute en 2009 et le jeu sort en Juin 2013 sur PS3. C'est une exclusivité de la console - Naughty Dog appartenant à Sony - impossible d'y jouer sur une autre plateforme. Le jeu est très globalement apprécié, souvent qualifié de chef d’œuvre par la presse spécialisée. C'est à ce jour le jeu développé par un studio Sony le plus vendu sur Playstation, puisqu'il cumule 17 millions de ventes (toutes versions confondues).

Il s'agit d'un TPS Action/Aventure, comme sait très bien le faire le studio Naughty Dog, qui est connu pour la réalisation des Uncharted. Le jeu propose un gameplay relativement varié, vous proposant d'allier phases de tir ou séquences d'infiltration / furtivité pour arriver à vos fins.

Concernant la scène du jeu vidéo de manière générale, 2012 a été une année plutôt chargée en matière de bons jeux (Far Cry 3, Dishonored...) mais on remarque surtout une domination du FPS. Beaucoup de jeux orientés action, et les jeux qui tentent de s'orienter vers de l'aventure ou de présenter un scénario plus poussé sont peu nombreux. En 2012 donc, on peut retenir surtout Mass Effect 3, qui a fait parler de lui via ses fins pas très appréciées. Du côté des TPS, on a Max Payne 3 et Sleeping Dogs, tous deux appréciés par la critique.

Pour l'année 2013, la scène du TPS s'étend, avec notamment l'épisode final de la trilogie Dead Space, le reboot de la saga Tomb Raider, Remember Me, Saint Rows IV, GTA V, Beyond: Two Souls, Batman Arkham Origins, Enslaved: Odyssey to the West, Assassin's Creed Black Flag, Resident Evil: Revelations ou encore Ratchet and Clank: Nexus.

Autrement dit, The Last of Us se glisse au milieu de tout un tas de jeux annoncés et les détrônera tous d'un coup de tatane bien placé.

Le jeu a gagné 2 Joystick Award et le studio a reçu celui de meilleur studio de l'année 2013

The Last of Us, quoikess ?

The Last of Us est un TPS - jeu à la 3ème personne - qui prend place en 2033, dans un futur apocalyptique ravagé par une infection. Vous incarnez principalement Joël, un homme dur qui a été particulièrement touché par la perte de sa fille Sarah, dans les premiers instants de votre partie. Il sera accompagné par Ellie, qui le rejoint après quelques heures de jeu, après avoir été introduite comme un élément unique dans l'univers The Last of Us, puisqu'elle est immunisée au virus qui circule. Cela fait d'elle une cible de choix, qu'il faut absolument protéger. Votre mission, avec votre compagne Tess, est donc d'amener Ellie aux Fireflies, un groupe de survivants à l'espoir inépuisable, qui seraient en mesure de développer un remède grâce à Ellie.

1ère rencontre avec Ellie...

Niveau gameplay, Naughty Dog nous propose un gameplay différent de ce qu'ils ont l'habitude de faire avec les Uncharted. The Last of Us se veut beaucoup plus fin, porté sur des approches furtives plutôt que sur de l'action pure et dure. Il propose également des phases plus lentes, dans des zones semi-ouvertes où l'on peut explorer et collecter des matériaux pour nous aider à progresser. On y trouve également des "reliques" du passé, nous apportant plus d'informations sur ce monde.

Cela reste toutefois une suite d'arènes, tantôt d'exploration, tantôt de combats. Pour ces derniers, Joël dispose d'un mode "écoute", pour lequel l'interface met en évidence vos opposants, selon le bruit qu'ils font. Sans vous donner une idée claire de leur parcours et de leur orientation, cela permet de déterminer l'approche et l'ordre dans laquelle on va les rosser.

Comme dit plus haut, l'approche furtive est clairement recommandée, car se lancer à corps perdu contre 4 ou 5 ennemis vous mettra rapidement à mal, soit concernant votre vie, soit concernant vos munitions. Même si votre arsenal est limité, profiter de l'élimination furtive qui ne coûte que de la patience se montre souvent plus efficace qu'une grosse phase de panpanboumboum.

Là, ça pue par exemple

Vos ennemis sont nombreux. Parfois humains, parfois infectés. Les premiers sont armés de trucs contondants ou d'armes à feu et cherchent surtout à vous contourner pour profiter de leur fréquent surnombre. Pour les infectés, il y en a différent types, correspondant aux différents stades de l'infection champignonesque. Ils sont plus ou moins chiants à contourner, certains étant sensibles aux sons mais aveugles, tandis que d'autres pourront vous voir vous déplacer.

Voilà grosso modo ce qu'est The Last of Us, si vous souhaitez en savoir plus, je vous invite à lire les nombreux tests qui existent sur Internet, qui rentrent beaucoup plus dans le détail que moi.

SOMMAIRE

  1. La crédibilité de l'univers
    1. Une introduction aux oignons
    2. Un monde sans perspectives
  2. Scénario & Personnages
    1. La relation protecteur·rice - protégé·e
    2. La quête vers le mieux
    3. Leçon d'empathie
  3. Graphismes & Level design
    1. Ambiance & Level-design
    2. Réalisme & Jeu vidéo
  4. Gameplay asthmatique
    1. Furtivité - C'est pas facile d'être un ninja
    2. Qui loote crafte
    3. IA aux fraises
    4. La boucle de l'exploration / combat
  5. Et si on bouclait ?
    1. Gameflow, kézako ?
    2. Comprendre la hype

La crédibilité de l'univers

Une introduction aux oignons

The Last of Us dispose d'une des meilleures introductions qu'il soit. J'ai toujours particulièrement apprécié lorsqu'un jeu intègre un tutoriel dans son histoire et qu'il prend le temps de le faire.

On démarre donc en contrôlant le personnage de Sarah, la fille de Joël, après une courte introduction des 2 personnages. Sarah se réveille et se rend compte que son père est absent. Des indices ici-et-là vous font comprendre que ça pue. Un journal, une émission, des sons d'ambulance, une explosion au loin... Une tension se construit petit à petit, jusqu'à ce qu'on retrouve Joël, paniqué, qui se rue vers son flingue. On fait alors notre première rencontre avec Joël et avec les infectés, qui se font abattre par notre papa. La décision est alors prise de quitter le secteur, en compagnie de Tommy, le frère de Joël, fraîchement débarqué.

Dans la voiture, on en apprend un peu plus sur la situation. Tommy et Joël discutent de ce qu'ils ont entendus, on passe à côté d'une famille appelant à l'aide. Joël refuse de les aider et on se retrouve alors face à un bouchon, qui nous oblige à faire demi-tour. En essayant de s'échapper, on tombe nez à nez avec une foule paniquée, on passe et PAN, un accident survient. Tout le monde est vivant, on passe par un petit QTE pour sortir de la voiture. On découvre alors que Sarah a la jambe cassée, Joël va devoir donc la porter et c'est le moment de s'enfuir à pied.

Vous le sentez que ça panique un peu ?

Il y a des infectés partout et ce qui caractérise le mieux cette séquence de jeu, c'est la montée progressive de la panique qui anime les personnages. Le point culminant étant la rencontre avec un militaire, qui après une courte interaction, ouvre le feu sur Joël et Sarah. Tommy surgit et abat le militaire, un peu trop tard car Sarah a été touchée et ne survivra pas, laissant Joël fou de chagrin. Générique, un défilé d'informations nous fait un bref topo sur tout ce qu'il se passe depuis ces évènements.

La gestion du rythme de cette introduction est d'une finesse remarquable. La navigation des personnages dans leur fuite est parfaitement contrôlée, on "sait" où on doit aller sans que le chemin soit grossièrement bloqué. Si on se doute bien de ce qu'il va se passer - on a vu les trailers - il y a toujours un léger doute sur "est-ce qu'on s'en est sortis ou pas", jusqu'à la scène finale, où l'on perd Sarah.

Un point particulièrement réussi est l'empathie générée pour le personnage de Joël. C'est un humain, pas un héros, et nos sentiments à son égard vont être mitigés en permanence. On découvre un père célibataire, un peu rustre mais qui fait de son mieux pour s'en sortir, avec une relation spéciale avec sa fille. De l'autre côté, on a un père capable d'abattre son voisin, capable de refuser d'aider une famille en difficulté pour défendre ses proches. Et enfin, on découvre un père atterré, impuissant, quand sa fille décède dans ses bras. C'est comme si on nous disait "Votre personnage ne va pas être comme les autres, comprenez-le".

Le point culminant de l'intro...

Un monde sans perspectives

20 ans après, le monde est toujours à genoux. L'humanité est condamnée à vivre dans des zones de quarantaines sous lois martiales. Joël vit avec Tess, son équipière. Ensemble, ils survivent en faisant du trafic d'armes et de tickets de nourriture. On constate rapidement que la vie est pas hyper évidente autour de nous, et qu'il vaut mieux être débrouillard pour espérer s'en sortir.

On démarre notre périple en été à Boston, complètement dévastée par les évènements de ces 20 dernières années. Les bâtiments sont en ruines, on se déplace via des échelles, entre des abris de fortune. Les gens, Joël et Tess les premiers, sont des survivants, des durs de durs, crasseux et tout ce qui va avec. L'organisation de la ville est gérée par les militaires, et partiellement par des gangs qui semblent disposer d'une certaine latitude pour fonctionner.

Organisation/20

Le syndrome post-apo

C'est le premier défaut que l'on constate dans TLOU. On assume forcément qu'un monde post-apo doit être crasseux, et même si les paysages sont représentés ainsi pour insister sur la survie quotidienne à affronter, j'ai du mal à croire qu'un monde dans lequel on survit depuis 20 ans puisse être dans cet état. La zone de quarantaine a l'air d'être régie comme si elle existait depuis quelques mois, et il n'y a finalement que très peu d'organisation en place.

En suivant Tess, on voit déjà qu'il n'y a pas assez de rations pour tout le monde. Difficile de penser qu'après 20 ans, on en soit encore à se poser des questions sur la nourriture. Les terres ne sont pas contaminés, la technologie n'a pas disparue, il est impensable que dans une telle société, un minimum d'agriculture ne soit pas en place pour subvenir aux besoins.

La seconde scène rejoint ce défaut du manque flagrant d'organisation et d'humanité dans le système en place. Des civils sont amenés dans la rue de manière brutale (screen ci-après), pour être scannés. Une infectée se voit injecter une dose léthale, tandis que celui qui tente de fuir est abattu froidement. Il est peu probable qu'une société survive 20 ans en étant aussi froide et radicale dans son système - en tout cas sans que personne n'ait tenté de renverser l'oppression vulgaire en place. La scène suivante introduit toutefois une forme de résistance, évoquée dans le générique : Les Fireflies (Lucioles en VF). Ils semblent suffisamment forts pour s'attaquer aux forces militaires en place.

Vous reprendrez bien un peu d'autorité ?

Le constat de cette séquence est que l'on assiste plus à une société qui vient d'affronter une catastrophe qu'à une société qui survit depuis 20 ans. Aucune initiative n'a été mise en place pour assurer un meilleur confort de vie. Les gens sont tous crasseux comme jamais, comme si l'hygiène n'était plus une chose essentielle. Après une catastrophe, on gère la crise, puis on prépare les nouvelles fondations. Et on verra plus tard, avec les infectés, que ce n'est pas quelque chose d'infaisable dans l'univers de TLOU.

Scénario & Personnages

Lorsqu'on analyse un jeu de ce genre, le scénario et les personnages comptent énormément dans l'appréciation générale. Avec Uncharted et Nathan Drake, Naughty Dog n'est pas inexpérimenté dans ce secteur mais bon, on ne peut pas spécialement dire que leurs scénarios sont plein de surprises non plus. Uncharted compte de nombreux clichés et les intrigues ou revirements de situation sont convenues. Elles sont toutefois bien mises en scène et c'est ce qui fait le cachet de la série.

Avec une infection qui fait basculer les personnes contaminés dans une sorte de zombification et place la Terre dans une ambiance post-apocalyptique, on ne peut pas vraiment dire que l'idée est originale. Ce n'est toutefois pas un problème, il y a plein de façons de raconter une histoire et on est loin d'avoir fait le tour de la question. Le risque est toujours de rentrer dans les clichés grossiers d'un genre et de briser l'immersion pour le joueur.

Remplacez les zombies par des champignons et vous avez un clicker pas content

La structure de TLOU est coupée en 4, selon le rythme des saisons. On commence en Été, jusqu'à finir au Printemps. Chaque saison nous plonge dans un environnement différent avec des rebondissements dans le scénario et fait évoluer les relations entre les personnages.

La première saison - l'été - nous fait naviguer à Boston et dans sa périphérie. On est avec Tess, à la recherche d'un certain Robert, le leader d'un gang qui nous a fait un mauvais coup. Cette saison est surtout un tutoriel géant, avec la découverte progressive des mécaniques, que l'on aura l'occasion d'aborder plus tard dans cet article. On découvre également le personnage de Tess et la relation qu'elle entretient avec Joël. Tess est l'archétype de la dure-à-cuire. C'est une survivante, parfaitement capable de prendre soin d'elle dans des situations délicates. Elle connaît la zone et les gens qui y résident, et notre job consiste principalement à la suivre et à l'assister.

Seuls contre le monde...

On fait alors la connaissance d'autres personnages, Robert, Marlène... Et puis d'Ellie, cette gamine insolente. La mission devient de la faire sortir de la ville et de l'amener au Capitole avec Tess, où elle sera récupérée par un groupe de Lucioles. Sans savoir pourquoi, même si on se doute que les enjeux sont suffisamment importants aux yeux de Marlène pour risquer la sécurité de son groupe, les Lucioles.

La relation protecteur·rice - protégé·e

Bien que le gros du jeu repose sur la relation entre Ellie & Joël, le rôle de Tess est un point à ne pas sous-estimer. Comme indiqué ci-dessus, Tess est la protectrice de Joël et du joueur au début de la partie. Tant que nous sommes novices dans la manipulation de Joël, Tess est là pour nous prêter assistance et nous tirer de mauvaises situations.

Le jeu nous laisse un moment garant d'Ellie pendant une courte session, où l'on doit juste guider la jeune fille à un point de rencontre avec Tess. C'est l'occasion pour poser les bases de la relation entre les deux protagonistes. On a donc un Joël peu joyeux de devoir trimballer une gosse, et une Ellie sarcastique, tout aussi joyeuse à l'idée de suivre un papy grognon. Il y a peu d'actions de coopération entre les personnages dans cette première séquence, Joël se montre très froid envers la petite, comportement aisément explicable quand on repense à Sarah. On a un premier aperçu de la personnalité d'Ellie, qui garde espoir que l'extérieur de la ville soit mieux que ce qu'elle connait.

Les premières scènes entre Joël et Ellie

Après avoir retrouvé Tess, on poursuit notre route vers le capitole. On peut donc à nouveau compter sur elle pour protéger Ellie autant qu'elle nous protège. Tess nous apprend à naviguer entre les infectés, à éviter les humains, bref, à survivre dans ce monde hostile. C'est ce qui rend sa mort si importante.

Si on met de côté son sacrifice cliché de badass/rambo qui fait rempart pour nous permettre de prendre de la distance, sa perte a un double effet sur la narration de TLOU. D'un, elle montre que nos personnages sont finalement peu touchés par la perte de leurs semblables, même proches. La faute à un phénomène trop commun. Et de deux, nous incarnons désormais l'unique protecteur d'Ellie.

Seconde perte importante pour Joël

Cette dernière est une enfant qui n'a connu que cet univers de survie et de violence. Pour autant, elle reste une enfant bien incapable de se protéger selon Joël. Elle va cependant grandir beaucoup plus vite que Joël ne le pense et le sortira de plusieurs mauvais pas. Elle aura même droit à son propre flingue, qu'elle n'hésitera pas à utiliser quand la situation s'y prête.

Puis enfin, en hiver, c'est elle qui prendra le relais dans cette relation, en devenant la protectrice du tandem après que Joël soit gravement blessé. TLOU vous confie alors la petite plus-si-petite-que-ça pour une saison de péripéties dans des décors enneigés. Lorsque la saison se termine et que Joël est de nouveau en état de fonctionner, le tandem est alors plus équilibré, Ellie ayant largement prouvé ses capacités de survivantes, même si vous reprenez le contrôle de Joël pour finir le voyage.

Ellie prend le relais dans la 3ème partie du jeu

La quête vers le mieux

L'univers de TLOU est désespéré. Les personnages, principaux ou non, sont résignés à l'idée que c'est globalement foutu et qu'il n'y a plus aucun espoir pour l'humanité. La maladie a gagné quoi.

C'est ce que l'on ressent quand on récupère notre tandem Tess / Joël. Sans être suicidaires, ils se contentent de vivre au jour le jour. La découverte d'Ellie va tout changer lorsqu'ils découvrent qu'elle est immunisée et que les Lucioles comptent bien comprendre pourquoi, l'espoir renaît alors en eux.

C'est Marlène, des Lucioles, qui nous apprend l'immunité d'Ellie

En poursuivant notre route vers le capitole à un rythme soutenu - on parlera du rythme particulier un peu plus bas - on affronte réellement le danger que représente les infectés. Il y a les stalkers, qu'on a déjà eu l'occasion de voir, mais on a aussi affaire aux clickers, qui sont plus dangereux. Un petit rappel de ce que l'on pourrait éviter si Ellie était amenée à bon port.

Cependant, en arrivant au Capitole, on se rend compte que le groupe qui nous attendant s'est fait buté et que Tess s'est faite infectée par un zombie. C'est la quête tout entière qui est alors remise en question car même si Joël est fort, Tess est celle qui porte et motive le tandem. Avec sa disparition, elle fait promettre à Joël de ne pas abandonner Ellie et nous confie indirectement l'espoir de ce monde. C'est un processus narratif intéressant pour impliquer le joueur, et qui est plutôt bien amené ici.

On part alors en direction du groupe de Tommy, comme Tess nous a indiqué et commence alors notre long périple à travers le pays. C'est la première fois aussi pour Joël qu'il se rend dans une zone inconnue, cela a pour effet de rendre cohérent le fait de prendre le temps de fouiller chaque lieu, à la recherche de choses utiles pour notre voyage. Ellie se montre d'ailleurs de plus en plus utile car elle peut grimper à des endroits, comme le faisait Tess mais également se faufiler dans des passages exigus. Plus vous avancez, plus votre tandem se renforce, et renforce l'empathie ressentie envers nos deux protagonistes.

Les moments de coopération sont nombreux dans TLOU

Leçon d'empathie

Malgré la présence de nombreux personnages secondaires, le focus est clairement sur Ellie & Joël. Ce sont eux que l'on suit pendant toute l'aventure et ce sont eux qui évoluent. Tous les autres personnages fournissent une aide ponctuelle ou modifient le scénario mais très peu d'entre eux ont une réelle présence. Ils ne sont là que pour permettre le développement de nos deux compères.

Commençons d'abord par Joël. Son archétype est assez simple, on a un homme viril, carrément blasé, que rien ni personne ne semble atteindre. Heureusement que l'introduction nous l'a présenté car c'est basiquement un trou du cul borné qu'on nous demande de contrôler pendant la première moitié de l'aventure. C'est même parfois pénible de devoir suivre ses commandements en tant que joueur. Mais on comprend que s'il ne souhaite pas s'attacher à Ellie, c'est parce qu'elle doit avoir le même âge que Sarah, et qu'il ne souhaite pas revivre l'horreur de perdre une nouvelle fois sa fille.

Joël, très autoritaire avec Ellie au début du jeu...

Cela dit, au fur et à mesure que Joël tombe dans des pièges et se blesse, il tend à faire de plus en plus confiance à Ellie. Et même si cela le tiraille, la narration nous fait peu à peu comprendre que Joël la traite comme sa fille, notamment en réutilisant le même surnom, "Baby Girl". Voir Joël s'ouvrir et s'attacher à Ellie nous permet de l'apprécier un peu plus. Une fois chez Tommy, il revient d'ailleurs sur sa décision de la lui confier pour poursuivre sa route avec Ellie jusqu'aux Fireflies. Décision qui nous amènera au plot-twist final, puisque Joël pétera un câble en apprenant qu'Ellie sera sacrifiée pour l'espoir d'un vaccin. Pour ne pas perdre une seconde fois sa fille, il fera alors le choix de la sauver, en sacrifiant l'espoir qui était donné à l'humanité de concocter un remède, et qui fera office de point de départ dans le second opus.

La scène est d'ailleurs bien pensée. Je surinterprète peut-être mais on peut faire un parallèle entre le début du jeu où Joël porte sa fille Sarah, qu'il n'arrive pas à sauver, et le moment où il porte Ellie. Cette fois, il y arrivera : Ellie ne mourra pas comme Sarah.

Le moment où Joël empêche le sacrifice d'Ellie...

Puis, il y a Ellie, la petite gosse insolente dont on ne peut plus se passer au bout d'une heure de jeu. Il y a quelque chose en elle, hormis le fait qu'elle représente l'espoir de l'humanité, qui nous fait l'apprécier instantanément. Peut-être est-ce son innocence face au monde qui l'entoure ? Ou peut-être est-ce le fait qu'on la regarde à travers les yeux de Joël et que l'on constate qu'il n'a plus qu'elle ?

L'empathie créée autour d'Ellie est multiple. Il y a son caractère de tête de cochon, qui n'hésite pas à insulter copieusement ses ainés, à prendre des initiatives pour survivre. Cette forte tête donne du fil à retordre mais au final, c'est l'énergie qu'elle dégage que l'on retient.

C'est aussi un personnage contrasté, car il y a une grande quantité de petites scènes où Ellie découvre le "monde d'avant". Elle dira à Joël qu'elle n'a jamais marché dans une forêt par exemple, et très souvent, elle est ébahie devant la vue que nos adultes n'apprécient plus depuis longtemps. Il y a bien évidemment la scène des girafes qui est extraordinaire et qui nous offre un des meilleurs moments de pause qu'un jeu peut offrir.

Cette scène est magique, même pour Joël le Désabusé

J'ai aussi particulièrement aimé son incompréhension pleine de candeur lorsqu'elle découvre de vieux posters de mannequin qui s'affamaient pour devenir minces et belles. L'écart entre ce qu'Ellie dit, la réaction amusée de Joël et notre propre réaction qui voyons ces posters et ces modèles au quotidien est frappante de réalisme.

Malgré sa force, Ellie reste une enfant qui découvre le monde. On dit que le bonheur se trouve dans les petites choses, et qu'il est plus simple d'être heureux si on regarde la vie avec des yeux d'enfants. C'est ce que nous propose le personnage d'Ellie et c'est ce qui nous permet de voir plus loin que les ruines qui arborent The Last of Us.

But can you pet the girafe ?

Graphismes & Level design

The Last Of Us a été particulièrement apprécié pour la qualité de sa direction artistique. Passons les choses évidentes, c'est effectivement très beau. Naughty Dog s'est donné du mal pour créer des environnements crédibles à couper le souffle. L'usage de la motion capture est un des plus réussis dans un jeu vidéo encore à ce jour et le jeu d'acteur associé est très correct, dans un secteur où on a l'habitude des cabotinages.

Ce qui va nous intéresser, c'est comment TLOU communique avec le joueur via son ambiance et son level-design, ainsi que l'impact de la beauté d'un jeu sur sa lisibilité globale.

TLOU propose une belle scène toutes les 5 minutes

Ambiance & Level-design

Si le réalisme et la qualité d'un environnement est apprécié, il est nécessaire qu'il soit fonctionnel et que le joueur sache interagir avec sans galérer. C'est à ça que servent les tutoriels et c'est pour cette raison que l'introduction de TLOU est particulièrement réussie. En 15 minutes, elle présente l'histoire, les mécaniques de déplacement et nous donne un aperçu de comment le design doit être lu.

TLOU propose une ambiance très contrastée, à la fois minimaliste et riche en détails. Les seuls éléments d'interface dont vous disposez est un petit encart en bas à droite indiquant la vie et le statut de l'objet équipé et qui n'apparait que si vous avez un objet à la main. Le second est un réticule de visée quand on a une arme ou un objet à lancer équipé et ensuite, ce ne sera que des mises en évidence de choses avec lesquels interagir. Autant vous dire que c'est léger.

Il n'y a qu'une direction évidente quand vous avancez

Pourtant, les décors sont plutôt clairs à lire et on se déplace facilement d'un point à l'autre. Les endroits sur lesquels vous pouvez grimper sont aussi évidents, plus parce qu'ils sont peu nombreux que parce qu'ils sont instinctifs. Mis à part des rebords à franchir ou à escalader bien plats, c'est nyet. Oubliez l'escalade de barrières s'il n'y a pas de petite peinture blanche ou jaune dessus. Toutefois, cela permet au jeu de maîtriser la progression du joueur tout en proposant des espaces semi-ouverts à explorer.

Lorsque vous débarquez quelque part, il est très probable que vous deviniez quoi faire. Des voitures "un peu en vrac" ou des caisses éparpillées ? Sortez l'artillerie, ça va pétarader. Un ensemble de couloirs avec pas mal de zones d'obscurités ? C'est pour vous inciter à la furtivité. On voit loin, le soleil brille ? Soufflez, c'est une zone d'exploration. 9 fois sur 10, vous aurez raison. TLOU arrive toutefois à nous surprendre dans ce raisonnement, ce qui est une bonne chose. Mais pas assez souvent pour remettre en question la logique. Même si une "arène" est calme, c'est surtout pour vous permettre de l'explorer avant d'y revenir dans une scène d'action plus tard.

Cette échelle ne se pose qu'à un seul endroit

Réalisme & Jeu vidéo

L'approche photo-réaliste qu'a choisi Naughty Dog a un effet négatif : l'environnement utilisable est visible et distinct du décor. Conscient de devoir fournir une lisibilité à leurs joueurs, le studio use d'astuces discrètes (lumière sur une entrée, caméra orientée légèrement vers la sortie...) mais on les voit particulièrement bien.

Dans un jeu qui se veut réaliste et qui fait tout pour nous immerger à ce point dans un scénario, cette distinction est dérangeante. C'est un peu l'Uncanny Valley du level-design : tout est tellement bien fait autour que le moindre détail ressort comme un furoncle et nous rappelle qu'on est dans un jeu. Ce n'est pas un problème dans un Tomb Raider où Lara effectue des actions de dingue en permanence, ou même dans un Uncharted qui est conçu pour être épique, mais dans un jeu comme TLOU, plus lent, plus réaliste, plus immersif, ces détails ressortent.

Exemple : quand Joël court pour échapper à un runner et qu'il se retrouve coincé par qu'il est incapable de grimper par dessus un obstacle qui ne fait pas la moitié de sa taille, c'est frustrant au possible. Si un jeu qui se veut réaliste doit être restrictif quant aux actions de nos personnages, il doit être cohérent dans ce qu'ils sont capables de faire. Joël peut retenir & repousser un runner mais pas enjamber un tonneau ?

C'est pas plat, y'a pas de peinture ? On peut pas passer sur ce meuble.

Enfin, il y a le problème de la lisibilité. Toujours dans cette démarche de réalisme, les mouvements de Joël et d'Ellie, ainsi que la caméra sont volontairement lentes. Cela nous pousse plus à la planification et à la prudence plutôt qu'à l'envie de se jeter dans la mêlée. Mais cela nous prive de réagir en cas de surprise.

On pourra rétorquer qu'une touche nous permet de faire demi-tour rapidement mais de là à parler d'action contrôlable ? C'est surtout un geste de désespoir pour espérer prendra la fuite et se donner un instant de répit, mais en aucun cas cela permet d'amorcer une contre-attaque. Ou alors je ne suis vraiment pas bon.

3 clickers à cette distance ? C'est probablement cuit.

Plus un jeu se veut réaliste, plus les incohérences de design ou de gameplay nous sautent à la gorge. Le parti pris de faire dans le réalisme est réussi dans les scènes d'exploration, car il est appréciable de pouvoir profiter de la qualité de la DA (c'est pour ça que le jeu nous propose aussi des moments de pause) et d'avoir un effet "balade dans la nature". Cela est toutefois au détriment des scènes d'action qui en deviennent plus confuses qu'autre chose si la discrétion n'est pas notre fort.

Une bonne façon de nous indiquer une direction subtilement ? Avoir un repère visible de loin

Gameplay asthmatique

Le gameplay de TLOU est ce qui fait que je ne comprends pas l'approbation générale autour de ce jeu. Pour le faire en une phrase : c'est globalement moins bon que ce qu'on faisait à l'époque. Les phases d'action sont poussives, la PS3 est au bord de la syncope dès qu'il y a 4 ennemis à l'écran et Joël est pas mieux. Si TLOU brille par sa DA, ce n'est pas du tout le cas de ses mécaniques que l'on va décortiquer ici.

Furtivité - C'est pas facile d'être un ninja

La furtivité dans les jeux vidéos, c'est souvent optionnel. Mis à part quelques jeux d'infiltration qui se sont focalisés sur ce gameplay comme Hitman ou Thief, les jeux proposant des scènes de furtivité sont souvent faciles, ou passables en bourrinage (l'infiltraction à la Izual pour les connaisseurs). TLOU rentre dans la seconde catégorie, même si le passage en force est un peu plus délicat car vos munitions sont limitées. Un habitué de la gâchette sur console n'aura cependant aucun souci à passer le jeu en mode Call of Duty.

Joël peut "écouter" ce qu'il se passe autour de lui. Ce mécanisme vous permet d'analyser les trajets de vos opposants. C'est bien réalisé, sans être trop fumé et cela permet d'avoir une bonne idée des dangers autour de nous qui sont souvent camouflés par le level-design. Grâce à cela, vous pouvez arpenter certains niveaux sans alerter personne et en récupérant tout ce qu'il y a comme objets. C'est un peu comme la vision d'aigle d'Altaïr ou l'instinct de Lara Croft, en plus réaliste.

Le "mode écoute" de Joël
Le "mode instinct" de Lara dans Tomb Raider

La furtivité n'est pas vraiment une finalité en soi. Elle vous permet surtout de vous débarrasser de quelques zinzins avant que la situation ne parte à vau l'eau.

Comme dit plus haut, la lisibilité du level-design fait qu'un ennemi vous verra d'une manière assez étrange. C'est souvent lié à la position de votre personnage par rapport à l'environnement. Être à couvert derrière un meuble, même plus petit que vous, vous donnera un camouflage parfait tant que votre opposant ne vous fait pas quasiment face. Par contre, être seulement derrière un meuble ne vous procure aucune couverture, ce qui peut donner parfois l'impression que les ennemis voient à travers les murs.

Toutefois, il y a un petit indice visuel & sonore discret qui vous permet de savoir si vous êtes repéré par un personnage : un petit son plus ou moins fort avec un dégradé blanc sur le bord de l'écran dans la direction votre opposant. C'est une façon habile de vous indiquer votre niveau de discrétion sans passer par une icône extra-diégétique, comme l'a fait Skyrim par exemple (ci-après).

L'indicateur "T'es repéré" avec le flou à gauche, repris dans TLOU2
La barre de détection pas discrète de Skyrim

Et puis, il y a le fait que votre compagnon est invisible tant que vous n'êtes pas vous-même repéré. On en parle plus bas.

La furtivité dans TLOU est malheureusement complexifiée par un personnage lent et peu réactif. Le faible nombre d'interactions avec le décor ne permet pas d'exploiter tout le potentiel de ce gameplay et rend l'expérience frustrante. Joël peut se bloquer dans n'importe quoi, et cela peut faire capoter tout une phase d'infiltration. Malgré quelques bonnes idées (ennemis à l'ouïe plus fine, présence de verre au sol...), TLOU peine à proposer des phases de furtivité satisfaisantes.

Qui loote crafte.

Ah la grande époque du craft. Si vous vous souvenez de cette période du jeu vidéo, c'est l'entrée dans le monde merveilleux des open-worlds fourre-tout d'Ubisoft avec Far Cry 3 (qui est un excellent jeu cela dit). On avait du loot et du craft à toutes les sauces, même quand ce n'était pas nécessaire. C'est même parfois une façon assez pourrie de rallonger la durée de vie d'un jeu hélas.

Pour le coup, devoir récupérer des merdouilles à droite à gauche dans un univers dévasté pour améliorer son propre équipement de survivant, ça colle bien dans TLOU ou dans Tomb Raider (2013). Les deux jeux se ressemblent d'ailleurs de ce côté là :

  • On récupère une liste de merdouilles en tout genre avec une pseudo-limite magique
  • On peut crafter des trucs basiques à la volée...
  • ... mais on a des lieux spécifiques pour améliorer notre équipement
  • Sans ces améliorations, il est peu probable d'arriver au bout du jeu
Craft - TLOU
Craft - Tomb Raider

Un point généralement accepté dans les jeux vidéos, c'est que le loot est grossièrement dispatché de manière à ce que vous tombiez dessus. C'est une mécanique classique à laquelle on est habitués et on accepte inconsciemment le deal suivant : on va tomber sur le stuff important lors de la quête principale et qu'on trouvera des bonus si on s'aventure dans les parties optionnelles des cartes.

TLOU ne fait pas exception mais allons un peu plus loin. En poussant le réalisme comme ils l'ont fait, on peut sentir quelques dissonances entre ce qu'on trouve et ce qu'on est censé trouver. En traversant les USA, nous constatons un monde entièrement dévasté. Les rues sont fracassées, les maisons abandonnées, il n'y a pas âme non-hostile qui vive dans les bourgades que vous traversez. Et pourtant, on tombe sur du stuff et des munitions régulièrement. Sans que cela soit particulièrement caché.

Vient alors l'ultime question : pourquoi c'est encore là ? Personne n'est passé par ici en 20 ans et a pris les munitions dans ce tiroir de cette maison ? Pourquoi ce lance-flammes artisanal parfaitement fonctionnel est-il posé à l'entrée du bâtiment scientifique de ce campus ?

Le loot en évidence dans TLOU
Emplacement du lance-flammes

Cela fait sens quand le stuff est caché ou inaccessible, comme celui des coffres-fort, car cela permet de récompenser le joueur qui explore chaque recoin. Même si cela signifie surtout se fader des allers-retour à l’allure d'un escargot cuit. Ce n'est pas un énorme défaut, mais je me suis surpris à me poser la question avec TLOU. C'est peut-être un bon point, car cela veut dire que le jeu est suffisamment réussi pour que l'emplacement du loot a une importance dans la logique de l'univers.

C'est exactement la même chose avec l'inventaire. On a l'habitude de ramasser des trucs et d'être limités en place. Mais dans TLOU, ne pas pouvoir ramasser 2 cartouches parce qu'on est limités en nombre de cartouches et pas en place semble ridicule. Là encore, c'est peut-être parce que le reste est si bon que l'on remarque ce genre de défauts. C'est toutefois plus frustrant car une limite de munitions, dans un univers où l'on est en danger permanent et qu'on peut en avoir besoin est illogique de la part du joueur et du personnage.

Même si l'approche entre Tomb Raider et TLOU est la même, la quantité de loot et le système de craft sonne légèrement faux dans TLOU. Dans Tomb Raider, on sait qu'on est dans un jeu, ça pose pas de soucis de tomber sur des armes à des moments clefs ou d'améliorer notre équipement autour d'un camp de feu / menu de jeu. Alors que dans TLOU, on se demande comment Joël fait pour améliorer son canon de flingue alors qu'il est pas foutu de créer des flèches en temps normal.

C'est le souci quand on pousse la barre du réalisme. On repart sur la théorie de l'Uncaney Valley version jeu vidéo, où plus le jeu est réaliste, plus ses dissonances seraient grosses à s'en faire péter la rétine.

IA aux fraises

Créer une IA n'est pas une chose facile. On a plus ou moins l'habitude de tout un tas de stupidités, comme le fait que supprimer furtivement un ennemi n'inquiète pas les autres ennemis. Pour parer cela, on fait en sorte que ceux-ci ne patrouillent pas sur les mêmes chemins, cela donne un semblant de cohérence pour qu'ils ne se rendent compte de rien.

Faire en sorte que ses opposants soient réalistes sans être frustrants, que les compagnons soient utiles sans être trop puissants etc... Ce sont des choses que TLOU fait plutôt bien au niveau des opposants. Ils chercheront à nous contourner quand on est repéré et même à nous encercler s'ils sont en supériorité numérique. Bon, ça, c'est pour les humains, l'IA des infectés est beaucoup plus stupide, le zombie étant la carte joker pour toute IA et peut se résumer ainsi : "si repéré : go nomnom".

Cela dit, un opposant, c'est fait pour se prendre une balle dans la tête, donc à part un affrontement, on a pas plus pour apprécier son intelligence. C'est complétement différent pour nos compagnons qui nous suivent tout au long de l'aventure. Et c'est là que TLOU se rate.

Ellie est notre principale assistance pendant tout le jeu, avec Tess au début. Le compagnon suit plus ou moins la direction et le comportement de Joël. Si on avance furtivement, il avancera furtivement en utilisant des couvertures. Parfois, ça sera la même que nous, parfois, ça sera celle à côté d'un ennemi, en pleine ligne de mire...

Tess en pleine ligne de mire, mais invisible

Le compagnon est complètement invisible aux ennemis tant que vous n'êtes pas repéré. Cela donne lieu à des situations improbables où il cherchera à se repositionner et se tapera un méga sprint ultra bruyant à travers une pièce en bousculant tous les opposants sur son passage. Sans. Aucune. Conséquence. Niveau immersion & stress, ça se pose là.

Ensuite, lorsqu'on est repéré, le compagnon se met en action. Disposant de munitions infinies et d'une arme contondante, il pourra déboiter les opposants comme il lui chante. Comme vous restez la cible prioritaire, il est toutefois peu probable qu'il soit suffisamment blessé pour mourir, il faut vraiment choisir de l'abandonner pour cela. Ce qui fait qu'on s'en occupe pas, à part dans les scènes scriptées.

Dans TLOU, le compagnon est plus souvent une gêne niveau gameplay et un prétexte pour avoir quelques guides & dialogues dans les phases d'exploration. C'est dommage pour un jeu qui tourne autour de la relation entre ces compagnons pendant tout leur périple.

Invitation à un dialogue pour renforcer la relation Ellie-Joël, souvent bien écrite

La boucle de l'exploration / combat

On l'a dit plusieurs fois, TLOU est vraiment une expérience incroyable en matière de design. C'est donc une bonne chose que l'on ait des phases d'exploration dans des cartes semi-ouvertes pour que l'on puisse apprécier le travail effectué !

Le jeu reste toutefois une progression linéaire. Même si vous avez des cartes qui s'élargissent un peu, vous devez toujours avancer en les traversant d'un point A à un point B. Il n'y a pas d'alternatives dans la progression. On alterne donc entre des phases d'exploration et des phases d'action, sans trop de surprises. En effet, les indices visuels & les scripts sont terriblement visibles, en entrant sur une carte, vous savez instantanément si cela sera une phase d'action ou une phase d'exploration.

Par exemple, Joël a deux façons de courir. Un sprint rapide et un sprint "jogging du dimanche". Le premier veut dire qu'il y a des ennemis à proximité. S'il trottine tranquillement dans la pampa, zéro risque de tomber sur un ennemi.

S'il y a des caisses pour se planquer, il y a des ennemis

Cela a deux conséquences, un avantage et un inconvénient. L'avantage est que cela nous permet de comprendre ce que le jeu attend de nous à un instant donné. C'est pratique mais cela pose un souci : l'immersion. Quand un indice aussi commun qu'une démarche vient nous indiquer ce qu'il va se passer, cela brise instantanément la surprise.

A mes yeux, Joël et Ellie devraient être constamment sur le qui-vive. L'extérieur est un monde parsemé de dangers où la moindre erreur est mortelle. Du coup, on se retrouve à vadrouiller sans craintes pendant les phases d'exploration, et même si c'est cool de pouvoir de se poser un moment, cela ne colle pas avec ce que le jeu veut nous dire. A l'inverse, Lara dans Tomb Raider se déplace toujours de la même façon, donc il n'y a pas d'indices de ce côté, c'est au joueur d'être attentif à ce qu'il voit pour ne pas se faire surprendre.

Cela va nous amener au point le plus important de cet article (enfin), on va parler de la notion de gameflow et comment TLOU passe régulièrement à côté de ce concept.

Du blabla avec une démarche tranquille ? Pas d'ennemis pour toute cette zone...

Et si on bouclait ?

Après tout ça, il va être temps de faire le point. The Last of Us, c'est un mélange de claques dans la gueule et d'arrachages de cheveux. Entre une direction artistique encore réussie à ce jour et un gameplay déjà poussif en 2013, c'est pas facile de déterminer si on a affaire à quelque chose de bien.

Heureusement, quand on teste un jeu vidéo, il y a quelque chose d'assez évident et qui ne nécessite pas d'expérience de testeur ou d'analyste : son gameflow.

Gameflow, kézako ?

Le gameflow, c'est cette sensation que tout coule de source dans un jeu vidéo. Le fait de comprendre ce que le jeu attend de nous et que le compromis progression / maîtrise des mécaniques soit pile-poil entre la satisfaction de réussir et la frustration d'un passage plus difficile. Un jeu vidéo plonge un joueur dans un univers fictif dont on accepte les règles et différences avec notre réalité (ce qu'on appelle la suspension consentie de l'incrédulité). Cela dit, il y a des impairs qui nous sortent du jeu, qui nous sortent de ce flow et qui provoquent souvent une réaction de type "Oh mais bordel de jeu à la con".

Un des critères pour être un bon jeu, c'est ce fameux gameflow. C'est le Graal que les développeurs recherchent et pour lequel ils se creusent la nénette pour approcher le plus possible de la perfection. Si on doit parler d'un chef d’œuvre, on doit donc avoir un excellent gameflow à analyser.

TLOU présente des éléments exceptionnels pour un jeu de 2013. Sa DA est fine, ses personnages sont attachants, le scénario est cohérent. Là où ça pèche, c'est le compromis établi entre le réalisme et le gameplay. Ce n'est jamais sur de grands moments, mais trop régulièrement, l'immersion est brisée par des petits détails.

Le classique combat de boss en 3 phases alors qu'Ellie plante son adversaire comme il faut...

L'incohérence récurrente est que l'on voit trop souvent que l'on est dans un jeu. Comme si Naughty Dog avait créé l'univers, le scénario, les différentes cartes puis finalement, avait déposé les éléments de jeu là où ils étaient le plus pertinent, pour s'assurer de la faisabilité du jeu. On ressent un équilibrage hasardeux, où les ennemis maîtrisés ne donnent pas de munitions pour nous obliger à faire attention ou à explorer pour en trouver dans des tiroirs de maisons abandonnées.

Toutefois, les périples s'enchaînent et on avance assez vite dans l'histoire. La maîtrise des mécaniques demandée est raccord avec la difficulté croissante classique aux jeux vidéos d'action-aventure. En une vingtaine d'heures, on arrive à la fin du voyage, qui m'a laissé quelque peu perplexe mais qui permet d'amorcer facilement une ouverture.

En plus de ces légers défauts de cohérence, TLOU manque aussi de panache dans ces phases d'action. Il n'y a pas beaucoup de moments où notre cœur bat la chamade au milieu d'un échange frénétiques de tirs ou d'une fuite effrénée où notre vie ne tient qu'à un fil. Si on meurt, c'est qu'on s'est raté 4 fois, non sans lâcher un "putaaaaaaain, mais il est à 2 mètres là !". Les challenges que TLOU proposent sont plus liés à des mécaniques poussives et approximatives plutôt qu'à une vraie montée en complexité des arènes ou des puzzles.

Scène inspirée où on se retrouve la tête à l'envers, mais l'action est molle.

Cela n'en fait pas un mauvais jeu pour autant. Si on pouvait reprocher ce que je reproche à TLOU à plus de jeux, cela serait un bon signe pour le jeu vidéo. Un chef d’œuvre est un jeu qui coche toutes les cases et qui transforme la façon d'aborder le jeu vidéo, tant pour les studios que pour les joueurs.

Quant aux notes prestigieuses qu'il a obtenu, elles me semblent tout de même trop généreuses. Qu'est ce qui a poussé les critiques à ne plus sentir leur slip à ce point ? C'est ce qui va conclure notre article.

Comprendre la hype

TLOU n'est pas le premier jeu à avoir été surcoté. On a régulièrement des jeux corrects qui se voient attribuer des notes extraordinaires, bien plus hautes que ce qu'ils valent réellement. Cela peut être lié à un studio apprécié, à un marketing pointilleux ou bien un contexte favorable à tel ou tel type de jeu.

Si on se replonge au début des années 2010, on a eu droit à une prolifération du FPS, Call of Duty, Battlefield 3, Counter-Strike GO, Borderlands 2, Far Cry 3, Dishonored. Hormis Tomb Raider, le TPS n'était clairement pas le genre à la mode et d'autant plus dans le genre narratif. Fort de son expérience avec le très apprécié Nathan Drake (Uncharted), Naughty Dog a su proposer une nouvelle licence au bon moment, en ajustant suffisamment la formule pour intriguer.

Le contexte était aussi d'un ennui incroyable. Je reprends la formule de Gamekult : "En ces temps où le ratio "dix suites pour une nouvelle licence" n'a jamais été aussi stable". On était abreuvé de licences à multiples opus depuis quelques années. Donc ce petit vent frais dans le paysage vidéoludique n'a pu faire que du bien.

4ème Assassin's Creed en 5 ans...
... ou le 10ème opus de CoD ?

La hype autour de tel ou tel opus créé un phénomène d'ampleur et active un biais de confirmation dans nos cerveaux : Si j'attends cette chose autant, c'est forcément qu'elle est bonne. On aura ainsi tendance à surévaluer les jeux que l'on attend depuis un certain temps. L'équipe de marketing de Naughty Dog a fait du bon boulot en annonçant ce jeu un peu moins de 2 ans avant sa sortie, et en nous abreuvant régulièrement de teasers et d'annonces. Alors que le reste du monde continue de proposer la même soupe.

Pourtant, il existe des sujets sur la toile qui évoquent cette incompréhension de la hype autour de TLOU. Ils jugent le jeu techniquement imparfait, scénaristiquement téléphoné, bref, le contrepied total des mérites vantées par la grande majorité des critiques. Leur point commun - semblerait-il - est qu'il n'ont pas eu la connexion émotionnelle avec Joël ou Ellie. Peut être est ce la joie des critiques de pouvoir enfin écrire sur quelque chose de frais qui a contribué à cette surenchère ?

Juger un jeu qui requiert un tel niveau d'implication émotionnelle n'est pas chose aisée. Là où je vois une absurde incohérence, un fan n'y verra qu'un petit raté tout au plus. Un jeu grand public ne peut embarquer tout le monde dans ses décisions scénaristiques. Toujours est il que TLOU n'a laissé personne indifférent et qu'il a laissé sa marque dans le monde du jeu vidéo.

Cela dit, et pour conclure, je n'y vois pas un chef d’œuvre pour autant. TLOU a su s'approprier les codes de plusieurs genres en vogue et a proposé un compromis intéressant de plusieurs mécaniques appréciées depuis Skyrim, sans pour autant apporter quelque chose de réellement nouveau comme ont pu le faire Far Cry 3 ou Dishonored un peu plus tôt. TLOU est un Uncharted chiadé et avec un rythme plus lent, mais reste un Uncharted dans son approche principale.

Une capture d'Uncharted 3 - PS3 - sorti 2 ans plus tôt

Pour classer un jeu de chef d’œuvre ou autre distinction méliorative, il faut que ce dernier apporte quelque chose de neuf, une sensation qui change notre façon d'aborder le jeu vidéo. Il y a des jeux qui sont tellement bons qu'ils deviennent les représentants d'une catégorie, comme les Doom-like pour les Fast-FPS ou Diablo-like pour les hack n' slash.

Si The Last of Us propose un bon approfondissement de mécaniques connues, il ne les réinvente pas pour autant, et c'est - à mes yeux - ce qu'il lui manque pour justifier les excellentes critiques qu'il a reçu.

A bientôt pour un nouveau dossier - peut-être plus court hein - sur le jeu vidéal !

Lupus

Sources

  • https://www.quora.com/Is-The-Last-of-Us-an-overrated-game
  • https://www.gamespot.com/the-last-of-us/forums/i-dont-get-all-the-hype-29409746/
  • https://www.gamekult.com/jeux/the-last-of-us-3050245127/test.html
  • https://www.metacritic.com/game/playstation-3/the-last-of-us
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Last_of_Us