The Wreck

The Wreck est un jeu indépendant parisien développé par The Pixel Hunt à qui on doit le magnifique Inua ou le poignant Bury me my love. Il sort sur PC, Mac et consoles le 14 mars 2023.

Il se présente comme un Visual Novel en 3D qui aborde des thèmes très difficiles, comme la maladie et le deuil, à travers le regard de Junon, une jeune scénariste que nous incarnons tant dans son présent que dans son passé. Le jeu nous transporte de scènes d'expositions faiblement interactives (on choisit de cliquer ou non sur certaines réponses ou pensées), à des scènes plus complexes où on nous demande de naviguer entre nos souvenirs et de les approfondir.

Cette phase de gameplay est particulièrement plaisante. Elle évoque Return of The Obra Dinn ou encore certaines phases des jeux DontNod. Les scènes, que l'on peut faire avancer ou reculer à l'envi, nous forcent à nous imprégner d'un rythme spécifique, à la fois lent et doux. On suit donc notre protagoniste se débattre avec sa famille, ses souvenirs, ses regrets, ses joies et ses peines. On comprend de mieux en mieux son attitude, sa personnalité et, au final, on est totalement subjugué par cette tranche de vie qui arrive à parler à chacun d'entre nous.

Très intelligemment, le récit se construit et semble se modifier grâce à nos choix. Les flashbacks multiples, les avancées et les retours, la construction en temps éclaté, cet ensemble où se bousculent émotion, raison et réel, dans un maelström sensitif... Ce jeu rappelle les essais d'écriture du Nouveau Roman (lisez Claude Simon), dans le tourbillon des collisions sensorielles et mémorielles de l'histoire qu'il propose. Pour sa direction artistique, il évoque également des peintres comme Ida Gerhardi pour sa lumière, ainsi que Geert Bordich pour les couleurs et la structure de ses tableaux.

Dans les VN, la force de l'histoire, la justesse de la musique et le voice acting font la différence. Pour The Wreck, encore une fois, c'est un sans faute. De la bonne durée (entre 4 et 6 heures), le jeu ne tire pas le récit en longueur et ne nous frustre pas non plus par trop de précipitation. C'est une plongée en douceur dans des thèmes durs. Cette douceur est visuelle bien sûr, mais également sonore et musicale. Un contrepoids nécessaire et important à la tristesse de ce qu'on traverse.

Il est difficile de vous parler du jeu, de son histoire et de ses nombreux chemins, sans vous en gâcher la découverte. Sachez simplement que si vous aimez les jeux courts mais intenses et qui vous proposent une histoire tout aussi captivante qu'attachante, si vous aimez les jeux narratifs qui, pour quelques heures, vous transportent dans des vies différentes, et qui nous font ressentir des émotions autres, singulières et peut-être parfois familières ; alors ce Visual Novel est fait pour vous.

Encore une fois, The Pixel Hunt nous livre un jeu magistral, qui aborde des thèmes difficiles avec humanité, simplicité et grâce. Comme souvent dans les productions indépendantes, la proposition dépasse le jeu au sens strict et nous fait basculer dans l'art au sens premier du terme. The Wreck va bien au-delà du jeu, et s'engouffre avec brio dans l'exercice difficile du roman existentialiste.

Le sous-titre de The Wreck est "Revivre le passé, changer le présent". Quelle plus belle promesse peut-on faire ?